À l’occasion de la journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, le 17 mai, on a recueilli le témoignage de 15 personnes transgenres sur des situations de transphobie qu’elles ont vécues.
Louis: «J'ai mis presque un mois avant de trouver un professionnel de santé qui a bien voulu s'occuper de moi.»
«Je pense que l'un des pires moments de ma vie a été un refus de soin de la part de plusieurs gynécologues. J'avais des douleurs énormes au niveau de mes parties intimes et j'ai mis presque un mois avant de trouver un professionnel de santé qui a bien voulu s'occuper de moi et m'opérer.
Dans une clinique, je me suis carrément fait virer en m'entendant dire: "Madame, Monsieur, personne ne souhaite s'occuper de vous". Ça a été un réel électrochoc.»
Bulent Kilic / AFP / Getty Images
«Je devais aller à la mission locale afin de pouvoir trouver un stage. Je m'étais présenté avec mon nom mais dès que la personne a vu sur ma carte d'identité que ça ne correspondait pas, les erreurs ont commencé: mégenrage, emploie du morinom (c'est à dire utilisation du prénom de naissance, aussi appelé "deadname", que la personne n'utilise plus, ndlr), et les questions indiscrètes du style "mais tu comptes bien te faire opérer partout? Sinon tu peux pas être un homme, c'est pas possible".
Au final, je n'y suis pas retourné. J'ai préféré aller mieux et chercher autre part plutôt que d'obtenir ce que je voulais en allant mal. À chaque étape administrative, en sachant que je serai sûrement confronté à mon deadname et à du mégenrage, il me faut un long temps de préparation pour mieux encaisser. C'est très fatiguant au quotidien, surtout quand on a un entourage qui ne voit pas où est le problème puisque, apparemment, "il suffit de prendre sur soi, ça ne sert à rien de s'emporter pour si peu".»
Alex: «La psychiatrisation des personnes trans, c'est de la transphobie d'Etat.»
«Je n'ai pas envie de parler des micro-agressions de rue ou des problèmes au guichet parce que tout le monde a ça en tête quand on dit "transphobie". Comme la plupart d'entre nous, j'ai dû aller voir un psychiatre pour pouvoir commencer ma transition. Ce n'est pas lui qui était particulièrement transphobe mais le simple fait de devoir passer devant un médecin (cisgenre) des maladies mentales pour prouver son identité. On s'entend dire qu'on "présente un transsexualisme primaire" et malgré tout on est content avec ça car on a la toute première clé des 1001 nécessaires à la transition.
Je n'ai jamais vu des personnes cisgenre qui devaient prouver leur identité comme ça. Une grande partie de femmes cis sont hormonées, avec la pilule, sans avoir eu besoin de rendre des comptes à un psy pour ça. La psychiatrisation des personnes trans, c'est de la transphobie d'Etat.»
Francois Guillot / AFP / Getty Images
«Récemment, j'ai pu vivre cette transphobie au sein même de ma famille, de la part de ma grand-mère, pendant un repas. Elle a insinué que je devais me faire soigner par un psychiatre et m'a demandé pourquoi je ne pouvais pas "juste être lesbienne"? Elle a aussi dit que, dans toute cette histoire, c'était elle qui souffrait le plus. Elle ignorait totalement les ravages de ma dysphorie.
J'ai 20 ans. J'ai l'habitude des réflexions transphobes car je ne corresponds pas physiquement à l'image que l'on se fait d'un "homme". Comme par exemple en classe, où on m'a dit que je ne pouvais pas comprendre quelque chose parce que je n'étais pas un "vrai garçon". Mais venant de la famille, je trouve toujours cela beaucoup plus blessant.
Des fois, mes proches (mais pas mes amis, ils sont les meilleurs, je ne sais pas ce que je ferais sans eux) me disent qu'on s'en fout, que c'est qu'un pronom, que je dois juste être "moi-même", que "il" ou "elle" ça n'a pas d'importance (et donc ils continuent de me dire "elle"). Ils me disent "d'arrêter toutes ces conneries" de "vouloir devenir un garçon", d'arrêter de "vouloir mutiler mon corps et d'accepter ma féminité".
Pourquoi est-il si dur d'être pris au sérieux? Beaucoup de gens ignorent, ou ne veulent pas comprendre, que non, ce n'est pas un choix ou un caprice, mais une souffrance si on ne nous laisse pas en paix. C'est une question de survie.»